Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/26

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maladresse, et de la dame qui relevait trop la draperie de sa traîne sur ses grosses jambes, et de l’homme qu’abritait le chapeau de haute forme extravagante, et de la fille perdant un chausson. Il s’estimait supérieur à ceux-là, l’égal au moins des personnes penchées aux portières de leurs calèches, ou des soldats brillants, de son père le colonel, de l’empereur, musique triomphale.

De bonne heure, Omer Héricourt eut de ses moyens une opinion avantageuse. En beaucoup de choses, il réunissait. Une seule fois le sens d’infériorité devant un égal en âge s’imposa.

C’était un jour de carnaval. Selon l’ordinaire, Denise se promenait avec la tante Aurélie de Praxi-Blassans, les cousins, Émile, Édouard, Delphine. Maman Virginie ne sortait pas. À la main de la Picarde, Omer partit assez tôt pour admirer toute la fête dont la servante promettait merveilles. Un clair et pâle soleil leur caressa les yeux, d’abord. La foule s’emmêlait le long des hôtels ayant des figures à toutes les fenêtres, par delà les arbres nus des jardins. Enfouis dans les trois pèlerines de leurs carricks, et abrités de chapeaux bas à ailes courbes, les messieurs souriaient à travers leur lorgnon pour des créatures en vitchouras de zibeline. Ce pelage inquiétait Omer. Quel magicien avait ainsi transformé les corps de ces figures gracieuses. Jusqu’alors les fourrures lui étaient apparues sous l’aspect d’étroites palatines, de boas onduleux, de pèlerines propres aux cochers. Il n’avait point vu de personnes aussi velues du col aux pieds. Cet extérieur les différencia fort de la société habituelle. Pour la première fois, il réfléchit que des adultes pouvaient ne pas lui être parents, dévoués ou favorables. Des femmes étrangères, par l’espèce, les coutumes et les goûts lui étaient soudain présentées, ce jour-là. Il pensa les redouter. La vieille dame qui voulut lui