Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc absolument que tu viennes me faire visite aux prochaines vacances, si je suis encore de ce monde. Hélas ! les dissipations où t’entraîne mon frère te retiendront loin de moi puisqu’il a juré de te perdre, et puisque tu l’écoutes… Pourvu qu’il ne revienne pas de si tôt, pourvu qu’il reste à Londres ! Tu échapperais à la corruption. Autrement que dirai-je à Dieu, s’il m’appelle bientôt devant lui, et s’il me demande quel chrétien j’ai fait du fils qu’il m’a donné ? Comment répondre que tu n’es pas un impie qui se damne ? Je t’en supplie, Omer, songe à moi. Je suis très malade, je peux d’un jour à l’autre avoir à rendre compte de ton âme au Créateur qui nous juge tous. Quelle responsabilité écrasante tu me laisses ! Voudras-tu livrer ta mère aux flammes éternelles, ou du moins prolonger les angoisses du Purgatoire qui m’attendent ?… Je t’en supplie à genoux, pense à ton salut et au mien ! Si tu savais lire dans mon cœur, si tu pouvais connaître mes tortures, certainement, tu m’écouterais, tu t’attendrirais. Caroline me mande que tu renonceras, peut-être, à la prêtrise. Pourquoi ?… Pourquoi ?… Te sens-tu déjà corrompu à ce point, que tu n’espères plus vaincre les passions qui t’éloignent du saint ministère ? Réponds-moi longuement là-dessus. Tous les samedis, quand je prépare mon examen de conscience, mon plus gros péché, Omer, c’est toi, c’est le doute satanique que je sens dans ta pauvre petite âme chrétienne. Rassure-moi ! Rassure-moi !

« Mon père est ici, en semestre ; il s’occupe beaucoup des fermiers et de la culture. Il me supplée presque partout, malgré son âge. À cheval, il court les routes. Lui aussi endoctrine les électeurs du cens et les entraîne dans les mauvais chemins. Dieu me pardonnera-t-il de ne rien pouvoir contre tout, et contre tous ? Ton parrain continue de recevoir des voyageurs étrangers, et d’écrire des lettres, du matin au soir.