Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettre. La mort et les sanctions religieuses épouvantaient la veuve, sans répit.

La Fin le hanta lui-même. Il imagina son père sanglant au milieu d’une plaine barbouillée par les fumées des canons et des fusils ; peut-être le colonel avait-il alors songé à son fils. Faudrait-il mourir sans avoir rien accompli ?

Il ne savait pas, comme son cousin Édouard, désirer âprement la domination, ni, comme Dieudonné, assouvir, par de l’assiduité aux sciences, sa curiosité de la nature. La certitude de sa faiblesse l’accablait. Il désespéra d’être jamais mieux qu’un enfant plaintif et méconnu, un enfant pareil d’âme à quelque fillette rougissante, écervelée, espiègle et jalouse.

La maternelle camaraderie de la tante Caroline lui plut alors mieux que tout. Vingt napoléons successivement envoyés, avec des messages affectueux et brefs, n’étaient pas sans témoigner le sincère de cette affection. Étonner la naïve admiration d’une fille amoureuse, écouter les avis de la sage Caroline, n’était-ce point la meilleure règle de vie pour son caractère de vaincu ?

Car il ne doutait pas de porter en soi tout le deuil de la défaite commencée, pour sa famille, aux champs de Presbourg, récemment confirmée par l’arrestation du lieutenant Boredain, l’exil de l’oncle Edme, et les pieuses angoisses de sa mère.

La crasse du collège parut, en outre, plus épaisse au soleil printanier, sur les manches des vestes et les encolures des soutanes. Les butors de la campagne empuantirent les classes, de leur linge peu renouvelé. Des pustules et des rougeurs ponctuèrent le coin des lèvres, le front et les joues adolescentes. Le graillon des cuisines fumait à travers les soupiraux. Entre le triomphe de la nature et la hideur des humains, le contraste s’aviva. Ceux-ci étaient malingres et passa-