Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/353

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qu’ils ne manquaient pas de préférer congrûment, la robe blanche de notre sacerdoce et l’encens de la seule déesse, la Raison, qui vingt ans plus tard fut charriée à Paris, dans le faubourg Honoré, sous les espèces d’une jolie fille.

« J’ai donné la lumière au Wurtemberg en compagnie d’un singulier fourbe, maigri par la débauche, taciturne, blême, qui avait les yeux faibles, une verrue sur le nez, et deux autres de chaque côté de la bouche. Il marchait trop vite pour moi dans les rues. Je le nommais Caton, mais il s’appelait véritablement Zwack, était circonspect et intelligent. Dans le duché de Bade, je traînais avec moi un Socrate toujours ivre et un Alcibiade qui se faisait rosser par les aubergistes dans les lits des vachères. À Mayence, l’épopte Tibère voulut violer la sœur borgne de Diomède, mon aéropagite ; et je dus mettre le holà, l’épée au poing.

Omer éclata de rire. L’ingénieux vieillard continuait, en caressant ses guêtres :

― Voilà les avantages d’une longue vie ! On fait rire la jeunesse avec des souvenirs… Tout cela menait à bien notre besogne. Dès mon troisième voyage, j’avais intronisé onze barons allemands, deux princes et l’Électeur, dans les loges, filles de celles autrefois fondées, les unes par mon aïeul claveciniste, les autres par les officiers du régiment de Vermandois, quand ils envahissaient l’Allemagne à la suite du duc de Broglie. Au reste, l’œuvre était plaisante. Les gens sérieux fréquentaient chez nous pour les bibliothèques et les cabinets de physique que Weisshaupt savait y entretenir, et les benêts pour la représentation dramatique que donnaient nos rites. Mais les premiers ne tardèrent pas à convaincre les seconds sur la divinité de la science et à leur faire admettre cette unique religion. Je leur montrais un squelette en demandant s’il avait été roi, noble ou ladre. L’adepte devait répondre qu’il n’en savait