Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/408

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grand’peine la pendaison, la fusillade et la torture !… le soir, les lumières de mille bougies fleurirent de feu les salons de l’hôtel Praxi-Blassans ; les groupes de gentilshommes en bas de soie s’inclinèrent devant la robe jonquille de la délicieuse tante Aurélie. Les voix des clavecins et les murmures discrets des couples se répondirent, après dîner, le long des galeries. On inaugurait, à l’occasion de cette fête, le nouveau décor médiéval de hautes boiseries marquées aux armes byzantines du comte. Les habits bleus à boutons d’or, les fracs brodés d’argent et de palmes, étincelèrent parmi les pâles épaules des femmes palpitantes, demi-nues, muées en parfums vifs et voluptueux. Quand les rangs d’invités se fendirent et s’écartèrent devant la pourpre du cardinal Castiglioni, et quand Aurélie se fut agenouillée pour le baisement de l’anneau, Omer se décidait à recevoir l’ordination. Le cardinal était un haut vieillard corpulent, à la bouche desséchée. Monumental, il oscillait d’arrière en avant, comme une statue qu’un vent terrible eût ébranlée. Il cachait ses mains dans les dentelles de ses manchettes, ne les offrait qu’avec lenteur et ennui. Ses réponses aux questions de tel ou tel furent péremptoires. Elles ne permettaient pas le doute, encore moins la contradiction. Lui-même, le comte de Praxi-Blassans n’osa répliquer à la dédaigneuse ironie de l’œil opaque, n’ayant conservé qu’une étincelle centrale, mais très menaçante. Le cardinal ne s’assit point. Il faisait deux pas, se posait, accueillait, saluait du menton, poussait plus avant au milieu des fonctionnaires qu’on lui présentait. Omer se dissimulait au coin d’une cathèdre à clochetons. Jusqu’alors il n’avait ressenti que la satisfaction de porter l’habit à boutons d’or, le premier jabot de malines, la culotte de satin, les bas de soie et les escarpins à boucles, de pirouetter devant les miroirs, le claque sous le coude, en saluant son visage