Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/425

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sable. Des compagnies s’enfonçaient dans l’obscur des charmilles. Par les interstices des feuillages, mille rayons éclairaient les froissures de satin, un chatoiement de soie cambrée au creux d’une taille, les ors d’un habit voûté sur les épaules osseuses, les nuances des tulles s’envolant à la suite de démarches légères. Tel visage glabre, dur et pensif, se révéla, passant contre les mollets en marbre de Diane.

À l’écart, dans l’ombre d’un berceau de chèvrefeuille, le jeune homme cherchait le banc de pierre. Un couple y conversait. À ce moment, un bras jeune, ganté jusqu’au coude, sortit du noir, et doucement s’appuya sur le genou d’une culotte blanche que prolongeaient deux longues jambes musculeuses, croisées. Omer douta s’il reconnaissait les escarpins du général et leurs boucles de vermeil. C’était bien le geste de sa sœur qui s’alanguissait ainsi ; c’étaient sa main, l’écran de paille dorée à miniature de paysage, et le mouchoir de dentelle blonde. Comment Denise oubliait-elle autant la bienséance ? Il voulut paraître, et les surprendre en cette attitude trop familière. Mais il redouta de se tromper sur leurs véritables intentions et de laisser voir un trouble intempestif, car il sentit la chaleur du sang monter à son visage indigné. Alors il se détourna. Denise risquait de perdre Édouard, pour plaire au général ! En tout cas, elle ignorait les convenances. Une vierge ne devait pas poser la main sur le genou d’un homme, fût-il son oncle. Et toute la rancune d’enfance ressuscita qu’il nourrissait à l’égard de la moqueuse, de ses dédains, de son empressement à fréquenter la noblesse, de l’égoïsme qu’elle ne dissimulait guère en l’obligeant à la prêtrise pour obtenir le mariage aristocratique avec Édouard De Praxi-Blassans.

« Contre un bijou elle prête sa caresse. Elle a des instincts de courtisane ; des instincts qu’elle ne com-