Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/426

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prend pas, certainement, mais elle les a. Et ne comprend-elle pas qu’elle donne du plaisir en frôlant un homme de son bras ? Heureusement, le général semble un cœur loyal, incapable de profiter de cette innocence… »

Omer ne goûta plus la fête. Il attendit impatiemment le départ de tous, pour rejoindre Denise à part et lui reprocher cette grave inconséquence. La jeune fille nia l’attitude sans hésiter. Ensuite elle recourut aux larmes, protestant que son frère l’insultait, invoquant les saintes. Elle finit par se réfugier au fond de son appartement. Tombée sur le prie-Dieu, dans une posture théâtrale, elle supplia le Sauveur de pardonner à un frère qui la calomniait, et menaça de se plaindre au comte, dès le lendemain. Omer se retira. Il l’avait vue très nettement au jardin. Elle mentait. Donc elle n’ignorait pas son tort. Donc tout était pire que les appréhensions mêmes.

La querelle avait été vive, courte, conduite à voix basse et vite terminée par l’explosion de sanglots, par la peur d’attirer la tante Aurélie ou Delphine hors des appartements contigus. Le frère ne se représenta bien les détails de cet instant que dans sa chambre, celle même qu’avait habitée son père, avant le départ pour la campagne de Hohenlinden. Les évocations de cette circonstance augmentaient sa colère. Dans la nuit, il ne pouvait abolir l’image de sa sœur haineuse et folle, la bouche furibonde, jusqu’où des larmes de rage rebondissaient au long des joues en feu. La fille du colonel Héricourt pouvait donc s’oublier ainsi ! Ce qu’elle osait avec un oncle, hésiterait-elle à l’oser avec un autre ? Les craintes d’Édouard se justifiaient. Et elle ne pliait pas ; elle ne se repentait pas, elle mentait ; elle accusait elle-même, perfide, mauvaise, odieuse. Il résolut d’écrire à sa mère le lendemain.

Ses idées ne franchirent pas ce cercle. Elles se las-