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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/439

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galbe parfait vêtues de bas blancs ; tel autre au front proéminent, au nez pointu, mais rendu respectable par une chevelure d’argent soyeux. Un cou entortillé d’une cravate blanche supportait, entre deux pointes de toile une jeune figure brune ; penchée en avant, elle entraînait un énorme col d’habit et un corps fin. De courts mollets maigriots frétillaient en pantalon collant et en guêtres anglaises sous un torse large habillé de marron. Néanmoins l’ensemble de la compagnie portait beau. Les seigneurs abandonnèrent la sainte table avec les allures de courtisans qui savourent encore l’élégance de l’entretien obtenu du prince. Ils s’agenouillèrent à la façon des nobles chevaliers d’antan ; ils entonnèrent le Magnificat final, et marièrent assez bien leurs faussets de vieillards, leurs hennissements d’hommes mûrs, leurs clameurs de probationnaires.

Pendant qu’on récitait en chœur lugubre le De profundis, le père Ronsin se retira vers la sacristie, entre les servants qui revinrent aussitôt établir, devant l’autel, un fauteuil destiné au fameux jésuite, pour le sermon. Sa rhétorique ne différait guère des homélies courantes. Toutefois, par la subtilité d’une digression, elle prouvait, en syllogismes corrects, comment la Providence ne saurait vouloir obtenir de l’homme plus que les forces et les vertus ordinaires, comment il appartenait à la justice divine d’exiger le repentir, la contrition, la prière et la piété, toutes choses faciles, mais non l’ascétisme farouche, grâce uniquement dispensée aux saints : car Dieu les a élus comme modèles de perfection, afin que le premier venu pût s’en approcher, sans réussir à les égaler. Donc il ne seyait pas de vouloir conquérir tout de suite la perfection chrétienne, chose impossible à la majorité des hommes et à leur faiblesse naturelle, mais de vouloir purifier, par l’exercice de la dévotion et la fréquence des sacrements, l’âme que gâte l’habitude du vice.