Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/44

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trompettes !… Petit guerrier bruyant !… Ha ! Ha ! Ha !…

Il riait gras et frappait, de sa canne, les losanges du plancher. Maintes fois, ensemble, tous deux s’amusèrent, les après-midi, à des combinaisons d’architecture. Le menuisier, à l’occasion de Noël, avait apporté une boîte contenant de petites colonnes, de petits moellons de bois, des fenêtres, des portes, des pièces de toiture. On pouvait, à sa fantaisie, construire de la sorte une maison, une église, une ferme, et, à la fin, un monument aussi beau que ceux de Paris. Avant d’entreprendre ce dernier ouvrage, le vieux bourrait de tabac ses larges narines grêlées ; il clignait ses yeux rougis, puis examinait Omer de coin : c’était si drôle que l’âme de l’enfant bondissait, rieuse… Il pensait à tous les pantins de ses anniversaires, de ses étrennes ; nul n’avait offert jamais une grimace aussi burlesque.

― Polichinelle ! Polichinelle ! ― criait Omer victorieux d’avoir reconnu dans ce visage un souvenir de joie ; ― fais encore Polichinelle !… fais encore !

Complaisant, l’architecte recommençait à tordre sa bouche ; il poussait à droite le nez grossi, et gonflait, de la langue, sa joue gauche. Le contraste de cette face avec les figures ordinaires était la cause d’une surprise infinie. Afin de savoir comment s’opérait une telle transformation, la sagacité inquiète d’Omer s’évertuait. Alors les mots lui manquaient pour traduire ses remarques et les faire comprendre. Il sentait son esprit vivre davantage, très rapide. Tout lui-même s’agitait, âme et membres. Et l’étonnement vif de constater sa propre intelligence le mettait en fête. Sur ses jambes, Omer sautait. Il battait des mains. Il applaudissait à l’étonnante transfiguration.

― Et maintenant, ― proposait le bisaïeul, ― élevons le temple de la Liberté ! Comment appelles-tu cette colonne ?

― Iakin… on la met ici.