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L’art, lard : du lard grillé aux choux. On lui en laissait prendre quelquefois à la cuisine. Cela croquait sous la dent, il l’aimait beaucoup… Aimer ! ah !…

― La Fraternité… est l’art d’aimer tous les hommes !…

― Bien, petit… Bien…

le sourire du parrain se plissa, multiplia les rides dans la grosse face. Omer sauta deux fois. Aux limbes du souvenir, il retrouvait une autre phrase ; il la prononça, glorieux.

― La fraternité contient toutes les vertus : elle fait entendre que les hommes, égaux et libres les uns devant les autres, se doivent l’aide réciproque et l’exemple des mérites utiles à la nation.

De longtemps il ne découvrit le sens, et ne le cherchait point. Il se contentait d’avoir psalmodié les sons pour le plaisir du bisaïeul qui tirait un napoléon de sa poche. La pièce d’or luisait entre les doigts tremblants.

― Tu vois, petit ?… Tu l’auras, dimanche, pour t’acheter des fariboles, si tu ne manques pas un jour à me réciter cette maxime… Ah ! Ah ! tu louches, sacripant !

Quelquefois le bisaïeul prêtait les breloques pendues à son ruban de montre. C’étaient, en or, les diminutifs des instruments qu’il nommait :

― Avec la truelle le maçon étale le ciment, lie les pierres des édifices… Voici le marteau qui cloue les poutres et les chevrons… L’équerre et le fil à plomb donnent la direction de la ligne afin que le mur ne penche point ; ceci est l’étoile à cinq pointes, image de l’univers créateur et de l’homme qui s’unit à la création… Vois-tu, petit ?… ce sont les instruments du bon ouvrier, de l’homme qui construit et ne détruit pas… Tu seras aussi plus tard un bon ouvrier ; un maçon digne de rétablir l’édifice de la liberté… si tu es sage, petit… si tu ne joues pas trop avec tes sabres et tes