Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/467

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mort même ? Tous ses vœux, proclamés quand les dernières gouttes du sang glorieux s’épanchaient sur la terre autrichienne, une fille impie oserait-elle les méconnaître ? La colère de l’orateur poussa la coupable contre un taillis, et ne lui concéda rien. Elle finit par sangloter abondamment :

― Lâche ! lâche ! Tu profites de cet instant pour m’insulter, misérable !

Un dieu de fureur, alors, vociféra par la bouche du frère. Il entendit résonner une de ses phrases, et l’admira. Il prépara le triomphe de son éloquence. Denise le regardait, les yeux agrandis, la bouche béante, en s’essuyant les joues avec son mouchoir tassé. Omer aperçut ses propres gestes en ombres rouges : le couchant ensanglantait les déchirures du feuillage. Il écouta sonner ses objurgations. Il lui parut qu’il lisait dans un auteur ancien ses prosopopées ; il imagina qu’au détour de l’allée, tout à l’heure, la lune éclairerait un temple blanc de Diane. Il crut qu’il était, dix-neuf siècles plus tôt, un jeune citoyen d’Athènes rappelant ses devoirs à une sœur égarée par des dieux jaloux. Et la magnificence de la vertu antique l’émut. N’allait-elle pas convaincre, par son discours, l’enfant indocile ? Il le pensa.

― La passion d’édouard et ce qu’elle promet, dit-il, méritent bien quelques efforts pour se contraindre. Je l’entends parler de toi depuis un an. Il te consacre sa vie, sincèrement et follement…

― Caprice de freluquet ! Nous ne pouvons nous marier avant l’automne de l’année prochaine. Qui m’assure qu’il me sera fidèle ?… Et puis, au dernier moment, la dispense du pape, nécessaire à une union entre cousins germains, ne peut-elle être refusée grâce aux intrigues du comte ?

― Il est infâme de parler ainsi d’un loyal gentilhomme !