Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/517

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admirait maintenant : " il n’y a qu’un seul Dieu ; les autres sont ses masques !… " masque de Dieu, la liberté pour qui des martyrs allaient connaître la mort ignominieuse ? Masque de Dieu, l’amour ? Qu’était-ce que le divin, en somme ? La toute-puissance, celle même de créer en Aquilina un délire d’amour… il rêva de ce pouvoir, et d’un autre qui persisterait, éternel, parmi les transformations de la nature. Dieu lui fut la faculté sans limites de vivre toutes les existences, d’être, selon l’image du poète, ce grand tout qui soi-même s’adore par les voix des créatures et le scintillement des mondes. Et la raison naïve de l’adolescent s’excitait sans fin à ce jeu de métaphores faciles. Connaître Dieu, n’était-ce pas le devenir, régner avec lui, dompter ensemble ? Dans cette science se cachait le pouvoir qui plie les orgueils, qui dénonce les ruses, qui redresse la faiblesse, la coiffe d’une mitre, d’une tiare, et jette les royaumes des conquérants à ses pieds pontificaux. Parmi les foudres du Sinaï, Moïse écrit la loi, sous la figure éclatante apparue dans le buisson d’Horeb. Il masque Dieu. Auprès de cela, que valait une chair esclave de femme amoureuse ? Omer rit de sa sottise. Il réconforta sa mélancolie. Quelle chétive personne serait cette Aquilina vieillie, cassée, perdue parmi la foule à genoux, dans l’ombre d’une main bénissante et souveraine des âmes ! Il exalta son espoir du divin qui est aux cieux, dont le nom est sanctifié par ceux qui le comprennent totalement, dont le règne arrive dans les esprits savants, dont la volonté s’accomplit sur les planètes du firmament, qui donne le pain quotidien, qui pardonne les offenses envers la chasteté comme on pardonne aux mères défiantes, aux oncles traîtres, aux samaritaines et aux sulamites, qui ne laisse point succomber les