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Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/518

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sœurs folles à la tentation, mais qui délivre du mal les hommes de bonne volonté… ainsi la prière le calma. Le général Héricourt avait invité d’avance Denise et la tante Praxi-Blassans à venir souper avec la voyageuse et son fils. De Saint-Cloud, Aurélie et sa nièce arrivèrent à l’heure juste. Les grelots de leur voiture attelée en poste sonnèrent au moment même où Virginie dépouillait sa mante de levantine, et la jetait sur une plaque ovale de malachite soutenue, au milieu du salon, par un trépied de bronze. Denise, en un bond, fut au cou de sa mère : ― dieu merci ! Te voilà, ma vieille sainte… qu’a dit Broussais ?… ah ! Tant mieux !… la belle mine que vous avez, maman chérie, pour une malade !… vous n’avez pas souffert du froid, dans la diligence ? Pourquoi n’être point venue en chaise !… ta ! Ta ! Ta ! De l’argent… fi l’avare ! Vous tricotez, je gage, un fameux bas de laine, là-bas, dans la grande bicoque, pour y mettre un trésor bien lourd !… bel oncle, je vous souhaite le bonjour… vous avez aujourd’hui votre air de ténébreux Childe Harold ! N’est-ce pas, tante Aurélie ? C’est Childe Harold en Espagne !… ah ! Le voir debout, à la cime d’une sierra, en posture de dédaigner l’ignominie humaine ! Elle déclamait ces choses d’une voix drôle, parmi les jappements du petit chien rageur qui tentait de mordre les bottes du général. Durant plusieurs minutes on ne put s’entendre : la fureur de la bestiole dominait tout. Qu’Aurélie ne pût se faire écouter, et crispât les rides de son front las, cela ne choquait point Denise, ravie de soi, de son chien, du tumulte, de sa redingote en mousseline rose ballonnée sur les épaules, de ses manchettes bouffantes, des torsades épaisses cerclant le bas de son costume qui rappelait, par l’ampleur du col Médicis et