Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/523

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Héricourt leva les mains au ciel, secoua la tête, ouvrit démesurément ses gros yeux navrés. ― mais, ma chère maman, ― cria Denise, ― je n’ai pas envie de prendre le voile, moi ! Il faut bien s’y résigner. Le sang de mon père bout dans mes veines !… je voudrais être homme, adorer le dieu des combats ! Pour les grands cœurs, la mort a des appâts inconnus aux âmes faibles… Dieu ! Si mon esprit vivait dans le corps de mon frère !… ― on croirait entendre, par ma foi, Mme la duchesse d’Angoulême ! ― plaisanta le général. ― " le seul homme de la famille " ― appuya l’ironie d’Omer, citant la parole de Napoléon. ― oh bien ! ― accorda-t-elle, ― je te permets de rire. Je sais… tu n’auras jamais de goût ni d’attrait pour ce jeu redoutable dont le sang du héros paye les fiches… tu ne joueras jamais aux dés avec le sort, toi !… ― holà ! ― fit le général. ― peste ! Ma chère, vous lui dites son fait… ah ! Le pauvre garçon !… Denise, je vous défends de médire de mon héritier… ― si vous attendez de lui qu’il couvre de gloire le nom des Héricourt !… ah !… lui et son cousin édouard se ressemblent ! à leur âge, vous vous échappiez des moulins, caché dans les chariots de fournitures sous les sacs de blé, pour rejoindre mon père à l’armée du Rhin… n’ayez pas peur, ils n’iront pas vous rejoindre à l’armée d’Espagne ! Omer n’avait jamais vu la sœur aussi méchante. Préparée à tout, elle ne déclamait pas. Elle n’égarait pas ses gestes plus loin que ne l’exigeait la caresse dont elle flattait méticuleusement le poil roux du bichon. L’élégance de ses grâces était parfaite. Elle comprimait tous les éclats de sa voix ; elle affectait un calme démenti par l’audace des images et des mots. Parfois sa face devenait comme de marbre verdâtre,