Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/71

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Omer savoura le désir de sa vengeance. Échapperait-il ou non, le rebelle qui ne permettait point à l’enfant de le monter comme un cheval ? Le cœur d’Omer gonfla. Ses doigts s’arquèrent contre les vitres. Tout lui-même vécut avec la convoitise de voir panteler. Les abois, bientôt, hurlèrent et gémirent. Enveloppé dans les cinglements du fouet, l’animal s’élança, la queue sous le ventre, le corps dardé pour la fuite. Deux fois la lanière lui coupa le poil roux. Omer crut mordre comme mordait le cuir du fouet. Il serra les dents. Un long cri du chien se lamenta. L’enfant trépigna de bonheur. Il était la cause de ce qui domptait.

Dorénavant son astuce ménagea de semblables sanctions à ses rancunes. Céline le rudoyait-elle parce qu’il courait au bord des pièces d’eau, il demandait obstinément, au retour dans la maison, le bol qu’elle avait naguère cassé devant lui. À la voir gronder fort il éprouvait une satisfaction extrême, celle de sa puissance qui de loin agissait, par intermédiaires et tout aussi terriblement qu’une autre. Mille fois, il réussit de la sorte à créer des destins fâcheux aux adversaires. Mais son triomphe, parmi tant d’expériences, fut celui-ci.

Le bisaïeul une fois maugréait fort parce que le disciple récitait sans exactitude la leçon de l’Ancien Testament relative à la Tour de Babel. L’enfant ne se rappelait guère les paroles du vieillard qui tenait beaucoup à lui apprendre comment Babel avait été la première loge maçonnique centrale, propre à réunir les hommes de toutes langues dans une même patrie et pour une même œuvre de fraternité. Omer savait mal la signification, et pourquoi les chefs ambitieux, s’étant disputé le pouvoir, entraînèrent les races diverses dans leurs querelles, rompirent le pacte, et défendirent l’usage de la langue universelle alors en honneur, afin d’obliger leurs partisans à se distinguer les uns des autres.