Page:Adam - L’Enfant d’Austerlitz (1901).djvu/79

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armé en corsaire pour enlever les sucres des galiotes anglaises, et qu’on n’avait plus revu depuis trois ans déjà. Le frère de Caroline languissait-il sur les pontons, prisonnier des " queues rouges ", ou bien la tempête l’avait-elle broyé ? La tante l’ignorait. Perdus corps et biens, captifs ou tués dans un combat naval, jamais sans doute les matelots de Joseph ne reparaîtraient en France, ni lui-même. Elle le dit, d’une voix triste, tandis que sa main caressait les boucles d’Omer. Plus tard, elle fouilla ses paquets ; ils encombraient les chaises ; elle choisit un écrin, l’ouvrit. Une large timbale y brillait. ― c’est du vermeil ! ― O. H. ! Ses initiales gravées. ― mais, Caroline, tu me gâtes l’enfant… on se récriait. La timbale passa dans les mains. Ahuri de sa fortune, Omer, longuement y savoura le laitage du goûter. Ses narines flairaient la lueur du vermeil ; et il mirait, à la surface concave, ses traits élargis. Il posséda toute la splendeur du métal. De la tante Caroline, il ne devinait rien. Pourquoi faisait-elle de magnifiques cadeaux, la dame en robe usée, aux bas de tricot gris comme ceux des servantes ? Pourquoi était-elle riche, cette dame à figure épaisse, sournoise, encadrée de cheveux déjà grisonnants et rares entre les peignes qui retenaient des frisures ridicules ? Le soir, dans son lit, il écouta Céline et sa mère rire des modes antiques, du haut chapeau enrubanné de jaune, des mitaines déteintes, des souliers à cordons, de la mante trop courte, du fichu écossais. Voilà donc la voyageuse qui réalisait le miracle de la mendiante prête à devenir magicienne, en se révélant semeuse d’or, donatrice de corvettes coûteuses et de timbales en vermeil ! Vraiment, elle devait être cette fée des contes. Il s’endormit accru d’un espoir, celui de la voir, le lendemain ou un peu plus tard, offrir une calèche, une chape