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SE TAIRE

Ce n’est pas le moindre avantage de certains sports que de nous exercer au silence. Le chauffeur qui dirige sa machine en vitesse doit concentrer toute son attention. Il ne lui sied guère de jaser avec le voisin. Aussi bien le vent presque toujours emporte la moitié des phrases ; et c’est un travail pénible que de tenir des propos suivis. Deux cyclistes en course se trouvent dans le même empêchement. Le culte de la célérité exige le mutisme volontaire, comme le culte de la sagesse pythagoricienne.

Nous autres Latins, nous avons le défaut de bavarder. Nous perdons en paroles inutiles des forces que la méditation centuplerait. À la brièveté de leurs dialogues, les Anglo-Saxons doivent cette connaissance de leur vigueur morale qui les rend si redoutables dans toute affaire, si entreprenants dans les sables des plus affreux déserts, et sur les rocs isolés au milieu des océans. À compter pour peu les plaisirs du commérage, ils se privent aisément de société. Ils peuvent, sur les côtes exotiques, se créer de l’aise satisfaite en construisant leur cottage, en aplanissant le terrain de leur tennis, en installant la théière de nickel étincelant sur un guéridon, avec des tasses très propres, du linge très blanc, et cela pour leur famille seulement : femme,