Page:Adam - Le Serpent noir (1905).djvu/199

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perdre connaissance, et tomber... Tant pis! décidai-je. Une brusque torsion de mon poignet ouvrit l`étreinte ; et je m’abstins de regarder de quelle façon la victime se laissait choir. Il n’etait plus temps. Devant cette vie chétive et condamnée déjà, ma solide personne méritait que mon élan se calculàt, que mon pied gauche s’assuràt, parl’extrême pointe de la chaussure, dans le trou, et que mon pied droit, repoussant la motte et les herbes, me projetàt vers le but. Sans ’écouter l’effroi de Gilberte, je sentis enfin`le cuir de ma semelle emboîté pour le mieux. Je pliai le jarret. Le ressort de mes muscles se contracte, se détendit, me lança pendant que la terre s’effritait ài grand bruit. Mes griffes, puis mes coudes mordirent la crête du roc supérieur ; mes épaules s’élevèrent, mon ventre, mes cuisses. La volte s’opéra. J’étais sur la pierre de mes voeux ; et ma poitrine exhala son plus large soupir.

Quant à l’enfant, c’était une pauvre chose calée par les chevilles de bois qui cédaient avec les derniers morceaux de la motte pendante. .. Surpris qu’elle n’eût pas encore glissé, je me vautrai sur le granit, et laissai pendre les bras, dont l’un tenait ma canne à bec recourbé :

-- Attrapez donc ma canne par le crochet, Gilberte !... Attrapez-la, voyons, petite sotte! Prenez-la des deux mains... Votre pied dans le trou, maintenant... La... Une... et deusse !... Vous y êtes.

En effet, et contre mon attente, elle se tortilla désespérément autour du bâton, que j’attirai jusqu‘à ce que je pusse saisir le collet de la petite veste en piqué blanc. Je halai vivement le tout, canne et fille, en me redressant sur les genoux. Les deux chevilles de bois,