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LE SERPENT NOIR

s’empressait. Si mélodieuse était sa voix qu’elle me fit déjà rire l’esprit, malgré le vacarme hostile à la perception des mots. Un voile d’argent masquait son visage, un long paletot de caoutchouc enfermait ses mouvements faciles. Je sautai à terre, heureux d’avoir endossé mon grand manteau de Berlin. Pareil à une cloche de cathédrale, il m’entoure. On admire généralement le confortable de ses poches obliques à pattes surpiquées, le chic de sa pélerine cousue contre le drap des épaules, et les goussets des parements rabattus sur les manches. La voyageuse ne put s’empêcher de porter son attention sur mon aspect majestueux que renforçaient mes bottines en cuir vert et ma casquette à couvre-nuque, du plus récent modèle allemand. L’automobile ne l’intéressa guère moins, quoique la boue eût encroûté les parois de chêne verni, moucheté les glaces du compartiment, et même souillé la galerie blanche qui, tout en haut, maintient la malle et les pneumatiques de rechange. Elle m’a dit plus tard que je lui étais apparu comme le crustacé fabuleux d’une planète autre, et qui avait le pouvoir de quitter sa carapace. Ainsi qualifie-t-elle ma « Brazier ».

Sous le porche de l’hôtel, je la frôlai pour avoir une raison de saluer et de murmurer :

— Pardon !

Elle m’adressa le plus aimable sourire. Je réclamai l’appartement retenu par mon télégramme. Pour affolées qu’e1les fussent au milieu des arrivants, des bonnes maladroites et des portefaix godiches, les deux vieilles filles aubergistes durent m’entendre, car j’ai coutume de m’interposer délibérément entre ceux que je veux entretenir et leurs interlocuteurs.