Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/118

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Laurent-Pichat, qui livrait son salon aux jeunes, voyait fuir un à un les « vieilles barbes », comme on commençait à dire.

Mme d’Agoult, ayant tenu à connaître tous les « petits Olliviers », ils furent introduits successivement et déplurent bientôt, en raison de leur nombre. Leur manque de respect pour les « ancêtres », mot plus poli dans leurs intentions que les « vieilles barbes », nous parut, à moi comme à nos amis plus âgés, par trop excessif. On eût dit ces messieurs porte-paroles de nos ennemis. Ils allaient plus loin que Proudbon, que Girardin, qu’Emile Ollivier lui-même, dans leur mépris pour ceux qu’ils nommaient « les dupes de Napoléon III ».

« Violer un serment fait à cet homme est un devoir, » dit un jour M. Jules Ferry, chez Mme d’Agoult. À nos yeux, un tel mot était la complète absolution de Napoléon III.

Ces «jeunes » gourmés, froids, sans enthousiasme, répétaient que c’en était fait des utopies, qu’il fallait être pratique, ne plus lutter que pour des résultats. Ils me déplaisaient à un point que je ne saurais dire. Plus «jeune» qu’eux, ils me paraissaient autrement vieux que les plus vieux. Leurs compliments m’irritaient, et, malgré une amitié qui devint grande entre Laurent-Pichat et moi, il ne put jamais m’enrôler dans le parti des « jeunes ».

Le salon de Mme d’Agoult se défaisait et se refaisait pour ainsi dire chaque semaine. Tantôt