Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/202

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Personne d’apparence masculine et peu mondaine, parlant haut et avec autorité, Mlle Clémence Royer avait lu les Idées anti-Proudhoniennes. Je n’oublierai jamais avec quel dédain elle toisa ma personne physique lorsque Edmond Texier, qui se promettait un régal de cette mise en présence, nous nomma l’une à l’autre.

Mlle Clémence Royer me fit subir une sorte d’examen dans un coin du salon où elle m’accula pour ainsi dire. Texier, jouant l’homme effaré comme si je courais un sérieux danger, me donnait une folle envie de rire. Je venais d’avoir une conversation avec lui où l’esprit tenait plus de place que le savoir et j’en étais encore tout égayée. Mlle Clémence Royer me parut par trop pédante, et j’avoue que je lui répondis de façon fort peu sérieuse.

Elle se leva, après l’une de mes reparties, que Texier trouvait, lui, très spirituelle, et me dit du haut de sa taille :

« Vous manquez de critère, madame. »

Ce mot, dans la circonstance, me mit de plus belle humeur encore, et comme Mlle Clémence Royer était licenciée es lettres, je répliquai en me levant à mon tour :

« Mon bagage de licence, mademoiselle, j’appuyai sur les deux mots, est jusqu’à ce jour, j’en conviens, très inférieur au vôtre, son peu de poids a, au moins, l’avantage de ne désespérer qui que ce soit. »