Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/266

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ce qu’on fait pour vous. Je serai à Pierrefonds dans trois jours. »

Dès que nous sommes réunies, j’essaye par cent prévenances de prouver à ma grande amie ma gratitude profonde.

Je vais lui chercher dès le matin, aux abords de la forêt, des fleurs qu’elle aime, et mon premier bonjour s’accompagne d’un bouquet, fait chaque fois de façon différente, ce qui la ravit. Je parcours à la hâte les journaux pour les lui raconter en l’amusant.

Il lui suffisait de me dire : « Petite Juliette, vous me gâtez, » pour que je croie ma journée remplie.

Mme  d’Agoult me parla de la trouvaille littéraire qu’elle avait faite à Nice, d’une femme d’un très grand talent, mais d’une étrangeté plus grande encore et qui dépassait tout ce qu’on peut raconter sur l’originalité des poètes.

Elle s’appelait Mme  Ackermann. On pouvait qualifier son esprit d’infernal, car elle était d’un athéisme provoquant et eût dit son fait à Dieu lui-même, répétait-elle souvent, si elle y avait cru.

« Sa conversation, d’un imprévu stupéfiant, me contait Mme  d’Agoult, vaut les lettres les plus concises que j’aie jamais reçues. »

Jouant avec les langues anciennes comme avec les modernes, Mme  Ackermann a un savoir sans bornes. Elle se moque des revendications féminines avec une ironie féroce :