Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/267

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« Sans cesser d’être femme et de tricoter mes bas, dit-elle, je suis l’esprit le plus libre et le plus dégagé de mon temps. »

« Mme  Ackermann, ajoutait Mme  d’Agoult, quoiqu’elle ait regretté son mari, a une horreur de l’amour « cette maladie de tempérament », comme elle l’appelle, qui la rend cruelle vis-à-vis de toute femme défendant, éprouvant, ou ayant éprouvé la passion. Vous n’imaginez pas ses apostrophes à moi-même, m’avouait en riant Mme  d’Agoult.

« Mme  Ackermann se déclare l’ennemie des choses, c’est-à-dire de tous les phénomènes idiots qui se produisent, en ignorant leur pourquoi. Elle ne croit qu’à la science. La soif de savoir, « de repousser le mystère », la possède. Elle se bat sans cesse contre ce mystère et se grise de ses malédictions, mais elle les rend en défis superbes.

« Toujours révoltée, Mme  Ackermann ne trouve en rien l’apaisement. Elle ne croit même pas à l’amitié. Très haut perchée, dominant l’admirable panorama de Nice, elle vit seule, gardée de loin par un ménage de paysans, qui cultivent pour elle et pour eux, à moitié, des légumes et des fruits. Elle descend une ou deux fois par semaine à Nice, pour enfouir dans un long et large cabas noir les provisions de sa très sobre nourriture et faire des visites. Parfois, la senteur des dites provisions est gênante. »

Daniel Stern monta jusqu’aux solitudes de