Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/338

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navard, que je ne connais pas. Berlioz aussi est là. Mme Viardot ne l’appelle plus que son conseiller.

Est-ce Berlioz qui a si merveilleusement fixé en l’âme de Mme Viardot ce caractère d’un amour dominé par le fatalisme et qui, cependant, croit la lutte possible ? Que Gluck, que Mme Viardot sont d’incomparables artistes pour ajouter à mon admiration religieuse d’Euripide ! La grandeur tragique du sentiment d’Alceste m’émeut à tel point que mes larmes coulent.

L’acte fini, Chenavard, d’une voix à peine perceptible, demande devant moi à Mme d’Agoult qui est cette personne qui pleure à Alceste.

« Une païenne, » lui répond Mme d’Agoult.

Chenavard est le peintre philosophe, le « peintre penseur », comme on l’appelle, qui a résumé en quarante cartons célèbres « l’histoire de l’homme depuis ses premières angoisses jusqu’à la Révolution française ». En 1848, Ledru-Rollin lui donna le Panthéon à décorer avec ses quarante cartons. Il commença, et si l’on était admis à discuter l’esprit quelque peu sectaire de ses conceptions, nul ne pouvait méconnaître leur valeur artistique.

Le 2 Décembre arracha le peintre à son œuvre, sans même lui permettre d’achever l’un de ses tableaux commencés.

Tous les peintres prirent parti pour lui. Dans les ateliers, dans les estaminets, il y eut la « question Chenavard». À la défendre, il se