Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/368

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« J’avais pris hautement la défense de Mme Bazard et dénoncé l’acte infâme dont elle était victime. C’est donc moi surtout qu’Enfantin visait dans ses accusations. Le nom de Judas était sur ses lèvres, lorsque, dans un accès d’orgueilleuse éloquence, il s’écria :

« Je me sens ressembler au Christ !

« — Avec cette différence, répliquai-je froidement et ironiquement, que le Christ était sur la croix et que vous êtes dans un bon fauteuil. »

« Et je quittai, en le disant haut, une école de malfaisance morale.

« Je ne revis Enfantin qu’au procès de Bourges. Il dit ce jour-là, poursuivant la même idée : « Il y a deux mille ans, un homme, apportant une morale nouvelle, comparut devant ses juges. »

« Une morale nouvelle, » se répétait Jean Reynaud, la morale qui a sali les deux êtres les plus purs du monde : Bazard et sa femme.

« Comment, moi, ai-je pu devenir membre d’une société à la fois humanitairement religieuse et économique, quand je suis un spiritualiste et un rêveur ? » me demanda Jean Reynaud.

Je ne pouvais lui répondre, n’ayant pas vécu à l’heure des systèmes où l’on s’engageait pour combattre sans songer assez au choix des armes et à celui des chefs.

Le bon docteur Maure dînait le soir avec nous. Jean Reynaud revint malgré lui sur le passé qu’il avait évoqué pour moi.