Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/446

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qui ne peut être saisi, et c’est là sa grandeur. Quand la nature se déchaîne monstrueuse, il veut que la voix désespérée de l’homme se fasse entendre au milieu de ce déchaînement.

Il faut sans cesse à Berlioz, en amour et en art, des thèmes nouveaux, et il les cherche avec frénésie, brisant les cordes qui refusent de chanter le démoniaque.

Nous nous disons, Mme de Pierreclos et moi, que Berlioz est l’esprit le plus extraordinaire parmi tous ceux que nous aimons et admirons, et l’homme le plus malheureux.

Il n’a connu de la vie que les larmes ; d’abord la misère, ses luttes, ses humiliations ; il a été pauvre, archi-pauvre. Il n’a pu achever ses études musicales, et si, à force de génie, il est parvenu à se créer à lui-même des procédés personnels de composition, qui ajoutent à son originalité, ceux qui le contestent trouvent dans la naïveté de certaines notions de technique un argument pour l’attaquer.

Et ce qu’il a d’ennemis ! Il est de bon genre de le gouailler, de ridiculiser sa personne sombre, son œil tragique, sa lèvre méprisante, sa physionomie volontaire, orgueilleuse et surtout douloureuse. Oh ! oui, douloureuse, nous répétons-nous. Ce qu’il doit souffrir à cette heure ! Il nous semble le voir se révolter contre l’imbécillité humaine, la maudire ! Lui, qui a la passion d’admirer ce qui est beau, de crier cette admiration, de se donner à elle au point d’en