Page:Adam - Mes premières armes littéraires et politiques.djvu/82

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hésitante. Elle eut d’ailleurs fort peu de succès, tandis que la pièce de Mallefille, très hardie, s’imposa malgré des cabales comme une œuvre puissante, d’une haute portée morale.

Un ami de Mallefille, rencontré à la représentation par Mme Fauvety, nous parla de lui en termes curieux. Il nous dit que ce serait l’un des génies du siècle s’il n’était pas borgne, que tout ce qu’il pouvait voir dans le champ visuel d’un œil unique, il le peignait superbement, mais sitôt que le rayon s’élargissait, il ne voyait plus rien. Mallefille est l’auteur d’un premier volume sur Don Juan, un chef-d’œuvre qui ne fut jamais continué.

Le 22 avril 1858 parurent trois volumes de Proudhon : La Justice dans la Révolution, qu’on annonçait comme devant être son œuvre maîtresse depuis 1854. Mon père m’écrivit de les lui envoyer un à un à mesure que je les aurais lus. Bien me prit de les acheter sur l’heure, car le soir même ils étaient saisis. En vain Proudhon essaya-t-il de toutes les juridictions pour faire lever l’interdit qui frappait son œuvre. Il n’obtint rien qu’une condamnation à trois ans de prison, auxquels il échappa en se réfugiant chez nos voisins les Belges.

J’eusse été la première à trouver les qualités maîtresses de Proudhon, une grande puissance d’argumentation, un style incomparable dans la Justice dans la Révolution, si les injures les plus brutales et les plus grossières n’avaient été