Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/19

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croyait au collége. Cela dura pendant trois ans. L’économe ne faisait aucune difficulté pour recevoir les quartiers qu’on lui payait et le professeur ne s’inquiétait nullement de ne voir jamais un élève dont il ne connaissait que le nom. Mon pauvre père ignora toute sa vie que j’eusse fait ma seconde, ma rhétorique et ma philosophie dans l’atelier d’une grisette.

J’avais une passion pour toucher l’orgue. Benoît était professeur de cet instrument au Conservatoire (il l’est encore) ; il était élève de mon père pour le piano et il fut enchanté de m’admettre dans sa classe. J’improvisais fort bien, mais j’avais grand’peine à m’astreindre à jouer des fugues et autres choses que je trouvais et que je trouve encore peu récréatives. À peine étais-je entré au Conservatoire, qu’un camarade un peu plus âgé que moi, et répétiteur de solfège, me pria de tenir sa classe pendant qu’il serait en loge à l’Institut. Ce camarade était Halévy. J’allai m’installer à sa place comme répétiteur de solfège avec un aplomb superbe ; je n’étais pas en état de déchiffrer une romance, mais je devinais les accords de la basse chiffrée et je m’en tirai si bien qu’on me donna une classe de solfège à diriger ; c’est là que j’ai appris à lire la musique en l’enseignant aux autres. Puis j’entrai dans la classe de contre-point d’Eller, un brave allemand qui avait fait dans sa vie la musique d’un