Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/202

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— Monsieur, dit-elle, savez-vous bien que vous parlez à Mlle de Lombard ?…

— Et vous, Mademoiselle, connaissez-vous bien Philippe Rameau, pour venir lui offrir trente-six sols pour remonter votre épinette ?…

Malheureusement la vieille demoiselle n’était guère au fait de la musique moderne ; elle ne connaissait ni la Démonstration du principe de l’harmonie, ni Les quatre pièces du clavecin, les seuls ouvrages que Rameau eût encore publiés ; aussi cette réponse fit-elle, peu d’effet ; elle craignit cependant de s’être trompée, et que l’homme à qui elle s’adressait ne fût pas un musicien ; sa contenance parut si embarrassée au grand homme que, pour la rassurer, il ajouta :

— Je ne suis pas accordeur, il est vrai, et je n’ai d’ailleurs pas le temps de m’occuper de votre instrument ; mais si vous le voulez, passez dans la pièce à côté, et vous pourrez vous exercer sur mon clavecin tant que bon vous semblera.

Cela dit, il se remit dans les calculs, et ne s’aperçut nullement des révérences sans nombre que Mlle de Lombard adressait à son fauteuil. La vieille demoiselle, pour n’avoir pas de démenti, essaya un peu le clavecin, puis elle redescendit chez elle. Mais le lendemain elle fit demander à ses nouvelles connaissances à quelle heure on pourrait la recevoir. Rameau, qui ne travaillait pas à ce moment, alla lui-même la chercher ; ils causèrent longtemps musique ; Mlle de Lombard avait reçu des leçons du célèbre Couperin et était bonne musicienne. Elle se mit au courant de la mu-