— Mon ami ; dit-elle, j’ai besoin que vous me pardonniez ; j’ai été injuste envers vous.
— Nous tous aussi, nous avons besoin de pardon, ajouta Mlle de Lombard, car nous vous avions méconnu : nous ne savions pas que vous fissiez un opéra, et votre conduite singulière nous avait inspiré des soupçons qui, grâce au Ciel, sont tous dissipés.
— Mes bons amis, dit Rameau, je voulais vous cacher le but de mon travail, jusqu’à ce que je fusse certain du succès. Mon secret est trahi maintenant ; ne m’en voulez pas de l’avoir gardé si longtemps, je craignais les reproches, les conseils. À présent que j’ai terminé mon opéra, voulez-vous passer dans mon cabinet ? Marchand et moi, essaierons de vous en faire entendre les principaux morceaux, et vous nous en direz votre avis.
— Adopté, s’écria M. Bazin, qui était un peu gai ; j’aime beaucoup la musique, moi ! Y aura-t-il une chanson à boire dans votre opéra ?
Rameau se contenta de sourire, et tout le monde le suivit dans son cabinet.
Marchand se mit au clavecin ; Rameau déploya devant son pupitre la partition de ses cinq actes, et, l’aidant tantôt de la voix, tantôt de son violon, il parvint à donner à ses auditeurs une idée de son opéra. Quelque imparfaite que fût l’exécution d’une œuvre si gigantesque par deux personnes, ce petit concert produisit néanmoins beaucoup d’effet. Mlle de Lombard déclara qu’il n’y avait que Rameau ou Lully capable de faire de si belles choses.