Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/215

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— Mademoiselle, dit Rameau, on ne saurait me faire de compliment plus flatteur ; le grand Lully n’a pas de plus sincère admirateur que moi. Toujours occupé de sa belle déclamation et du beau tour de chant qui règnent dans ses récitatifs, je tâche de l’imiter, non en copiste servile, mais en prenant comme lui la belle et simple nature pour modèle.

Mme Rameau pleurait de joie et de plaisir ; M. Dumont, le marguillier, trouvait tout cela charmant, quoique regrettant au fond du cœur que toutes ces belles choses fussent destinées à un usage profane, quand on aurait pu en faire de si jolis motets pour les saluts de sa paroisse. M. Bazin, qui s’était endormi dès les premières mesures, se réveilla au bruit des félicitations qu’on adressait à Rameau ; il y vint joindre les siennes.

— Ma foi, dit-il, je n’ai jamais rien entendu de si gentil : il est vrai que je n’ai jamais été à l’Opéra ; mais il y a un commencement à tout, et c’est une dépense que je me permettrai pour aller entendre la petite drôlerie de M. Rameau.

Quant à Marchand, il était dans le ravissement.

— Mon cher ami, disait-il, je vous connaissais comme un bien habile organiste, comme un bien savant musicien, mais je ne vous aurais jamais cru capable de faire de si belles choses. Tout est neuf, dans votre ouvrage ; si les symphonistes parviennent à vous bien exécuter, cet opéra fera une révolution en musique ; mais cela me semble bien difficile. Dans cet admirable trio des Parques, au deuxième acte, il y a