Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/223

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ceux qui allaient retenir leurs loges, et des piétons qui venaient à l’avance pour être sûrs d’avoir des places. Rameau avait à grand’peine obtenu une petite loge bien reculée pour sa femme, Mlle de Lombard et son ami Marchand. Ses rivaux, plus puissants et surtout plus intrigants que lui, avaient au contraire garni la salle de leurs partisans. Comme le cœur de la pauvre Mme Rameau battait au premier coup d’archet de l’ouverture ; ses amis tâchaient vainement de la rassurer ; eux-mêmes auraient peut-être eu besoin de courage, car, dès le premier acte, une violente cabale s’éleva dans le parterre, les rares applaudissements qui s’étaient fait entendre au commencement de l’ouvrage cessèrent tout d’un coup, et c’est avec un silence interrompu seulement par des murmures désapprobateurs que furent accueillis les derniers actes de l’opéra. Marchand était furieux ; Mme Rameau était près de se trouver mal ; Mlle de Lombard n’osait dire ce qu’elle pensait, car elle craignait que ce ne fût une vengeance du Ciel pour avoir abandonné l’église pour le théâtre. Rameau se retira tristement chez lui.

— Je me suis trompé, dit-il ; j’ai cru que mon goût plairait. Il faut se résigner, je renoncerai au théâtre.

Cependant les habitués de l’Opéra s’étaient réunis au foyer après le spectacle, et personne n’osait se prononcer pour une musique qui venait d’être désapprouvée généralement. Seul, au milieu d’un groupe nombreux, M. de la Poplinière essayait de défendre l’œuvre de son protégé.

— Mais, lui répondait-on, nous avons vu des mu-