Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/222

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Parques, les musiciens s’arrêtèrent court, reculant devant cette difficulté toute nouvelle pour eux. Rameau pria tranquillement le chef d’orchestre de faire recommencer :

— Monsieur, c’est inexécutable, lui dit celui-ci.

— Peut-être à première vue, dit Rameau ; mais essayons.

La seconde fois ne fut guère plus heureuse que la première, et la troisième ne satisfit point le compositeur. Les musiciens murmurèrent, quand on les pria encore de recommencer ; et sur une nouvelle instance, le chef d’orchestre déclara qu’il ne se chargeait pas de faire exécuter une pareille musique, et jeta avec dépit son bâton de mesure sur le théâtre, presque entre les jambes de Rameau. Celui-ci, sans se déconcerter, fit du bout du pied rouler le bâton jusqu’au bord du théâtre, et quand il fut à portée du musicien :

— Apprenez, Monsieur, lui dit-il, qu’ici vous n’êtes que le maçon, et que je suis l’architecte : recommencez le passage.

Cette fermeté imposa aux récalcitrants. La difficulté fut vaincue cette fois, et la répétition s’acheva sans encombre.

C’était un grand événement alors qu’une première représentation. Il n’y avait que trois théâtres à Paris, l’Opéra, la Comédie Française et la Comédie-Italienne, et ces solennités avaient d’autant plus d’éclat qu’elles étaient plus rares. Aussi tout Paris était-il en rumeur dans la matinée du 1er  octobre 1733. Toutes les avenues de l’Opéra étaient encombrées des voitures de