Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/245

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musiciens ; mais, hors de là, il ne connaissait que des supérieurs. Le chantre (qui était ordinairement un ecclésiastique, car c’était alors une dignité) avait la direction du chœur, c’étaient des conflits perpétuels entre lui et le maître de chapelle. Ce qui se passa à la maîtrise où était Jean-Jacques en offre un exemple.

Dans la semaine sainte, l’évêque d’Annecy donnait habituellement un dîner de règle à ses chanoines. On négligea, une année, contre l’usage, d’y engager le chantre et le maître de chapelle. Celui-ci pria le chantre, comme ecclésiastique et comme son supérieur, d’aller réclamer contre l’affront commun qu’ils recevaient. Le chantre, qui se nommait l’abbé de Vidonne, ne réussit qu’à moitié dans sa négociation, c’est-à-dire qu’il se fit inviter, mais il laissa maintenir l’exclusion dont était victime le pauvre M. Lemaître, le directeur de la maîtrise. Une altercation s’éleva naturellement entre l’admis et l’éliminé, et le chantre finit par dire qu’il n’était pas étonnant qu’on repoussât un gagiste qui n’était ni noble, ni prêtre. L’injure était trop grande pour ne pas exiger une vengeance ; elle ne se fit pas attendre.

On était à la veille des fêtes de Pâques, une des plus importantes solennités de l’Église. Priver le chapitre de musique pour ces imposantes cérémonies, c’était prouver combien on avait eu tort de méconnaître la valeur et l’importance du maître de chapelle. Ce fut à ce projet que s’attacha le vindicatif musicien.

Il lui fallait des complices : Jean-Jacques et Mme de Warens lui en servirent ; le premier lui offrit de l’ac-