Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/251

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sanne étaient minimes, car il parvint à s’y endetter. Il alla passer l’hiver à Neufchâtel. Il ne s’y présenta pas comme compositeur, il se contenta de donner des leçons, et là, dit-il, j’appris insensiblement la musique en l’enseignant. C’est dans cette ville qu’il fit la rencontre de l’archimandrite grec, à qui il servit d’interprète, et avec qui il fut arrêté chez l’ambassadeur de France à Soleure, M. de Bonac. C’est par la protection de sa famille qu’il put faire son premier voyage à Paris. À peine arrivé, il repart pour aller à la recherche de Mme de Warens, qu’il croit à Lyon. Forcé d’y attendre de ses nouvelles ; ses ressources s’épuisent et il est obligé de coucher dans la rue : c’est encore la musique qui le tire d’embarras. Au moment où il vient de s’éveiller et où il s’achemine vers la campagne, en fredonnant d’une voix assez fraîche et assez jeune une cantate de Batistin, qu’il sait par cœur, il est accosté par un moine, un antonin, qui lui demande s’il sait la musique et s’il en pourrait copier. Sur sa réponse affirmative, le moine l’enferme dans sa chambre et lui donne à copier plusieurs parties. Au bout de quelques jours, le moine lui reporte ses parties, déclarant qu’elles sont remplies de fautes et que l’exécution a été impossible. Néanmoins le bon prêtre le loge et le nourrit pendant huit jours et lui donne encore un petit écu en le congédiant.

Tout doit être contradiction dans la vie de Rousseau. On sait qu’au temps même de sa plus grande célébrité, alors que la protection d’amis puissants voulait l’entourer de toutes les douceurs de la vie,