Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/291

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il était si heureux. C’est le cœur gonflé de joie qu’il regagna sa chambrette. Il serra précieusement son violon après l’avoir bien soigneusement essuyé pour le préserver des atteintes de la rosée et de l’humidité de la nuit. Il prévoyait que ses concerts nocturnes allaient souvent se renouveler, et il tenait à conserver intact l’instrument d’où dépendait toute sa félicité. Il s’endormit du sommeil le plus calme et le plus doux. Malgré la moitié de la nuit passée sur les toits, il s’éveilla plus allègre et plus dispos, et c’est le sourire sur les lèvres et la figure illuminée par un rayon de bonheur, qu’il se présenta au déjeuner de famille.

Le père Dalayrac avait sa physionomie grave et sévère, que semblait encore assombrir un air plus soucieux qu’à l’ordinaire. « Françoise, dit-il à la domestique qui les servait, que s’est-il donc passé cette nuit ? Le chien a furieusement aboyé, et à deux reprises. »

Nicolas sentit la rougeur lui monter au front, et baissa le nez vers son assiette.

— N’avez-vous donc rien entendu ? continua le père, en interrogeant toute la famille du regard.

— Si fait, lui fut-il répondu, mais voilà tout.

— Dans un quartier si retiré, reprit la servante, il ne faut pas grand’chose pour faire aboyer le chien. Nous avons d’un côté le couvent, et de l’autre, une rue où il ne vient presque jamais personne le soir : il aura suffi d’un passant attardé pour provoquer tout ce tapage.

— C’est juste, dit le père, il n’y a là rien d’extraordinaire.