Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/300

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à te livrer à un délassement honnête, pourvu toutefois que tu n’en formes pas un objet principal. J’ai obtenu pour toi de plaider dans un procès excellent, voici les pièces ; ton client viendra te voir demain, étudie bien sa procédure et distingue-toi dans ta première cause.

— Oh ! mon bon père, s’écria avec élan le jeune avocat, je vous promets d’y faire tous mes efforts. Puis, se précipitant vers sa boîte à violon, qu’il ferma précipitamment, tenez, continua-t-il, prenez cette clef ; je ne veux pas toucher à mon instrument jusqu’au jour des plaidoiries. Je n’oserais pas en faire le serment, si vous ne preniez cette clef : ce serait plus fort que moi. De cette façon je serai plus tranquille, l’impossibilité détruira le danger de la tentation.

Le père prit la clef en riant :

— C’est bien, lui dit-il, tu es un brave garçon ; laisse cet ouvrier accomplir sa besogne, viens embrasser ta mère, et demain commence sérieusement ton métier d’homme, et d’homme utile.

Pendant quinze jours, Nicolas Dalayrac pâlit sur son dossier, pendant quinze jours il étudia, apprit et prépara la magnifique plaidoirie qui devait signaler son entrée au barreau. Au jour de l’audience, il lui fut impossible de s’en rappeler un seul mot ; il fut obligé d’improviser, et il n’avait pas la parole facile, il était, de plus, extrêmement timide. Mais la cause qu’il défendait, était excellente : tout frais émoulu de ses études, il avait fort bien plaidé la question de droit, et le procès de son client fut gagné.