Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/307

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M. Savalette de Lange donnait de fort beaux concerts dans son hôtel. Dalayrac s’y montrait très-assidu. C’est là qu’il rencontra Langlé pour la première fois, et il lui fut présenté par le maître du logis, comme un jeune amateur passionné pour la musique. Langlé accueillit parfaitement le jeune officier, et Dalayrac employa tous ses moyens de séduction pour captiver les bonnes grâces de celui dont il ambitionnait la faveur, il y réussit parfaitement. Langlé était spirituel et homme de bonne compagnie ; il fut enchanté des manières aimables et aisées du jeune garde du corps, et surtout de son enthousiasme pour la musique. Une espèce d’intimité s’était déjà établie entre eux, et Dalayrac n’avait pas encore osé faire la confidence de l’objet de ses désirs. Un soir il prit, comme on dit vulgairement, son courage à deux mains, et aborda la grande question.

— Monsieur Langlé, lui dit-il tout d’un coup, pour qui me prenez-vous ?

— Moi, Monsieur le chevalier ? mais je vous prends pour un jeune seigneur fort spirituel et fort aimable, cultivant la musique pour son plaisir, ce qui est le plus agréable délassement pour un homme de votre condition et de votre fortune.

— Et bien ! Monsieur, vous êtes dans une erreur complète. Tel que vous me voyez, je suis pauvre comme Job ; quoique l’aîné de ma famille, je suis moins à mon aise que le plus mince cadet, car je n’ai au monde que mes appointements de six cents livres et une pension de pareille somme. Mon père a fait de