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LORD LYLLIAN

j’en suis au regret, car la morale d’à présent, basée sur les mœurs de la troisième république, m’apparaît comme une vieille dame, fonctionnaire et pimbêche, à qui l’on voudrait bien tirer le bout du nez !

Tel quel, cependant, voici lord Lyllian que votre concierge nommait une tapette. Je ne vous ferai pas son portrait, car vous ne m’écoutez plus, et, d’ailleurs, vous l’auriez pu trouver dans ce livre que vous ne lirez pas. Un seul détail : Souvenez-vous — de grâce — que nous le fréquentâmes ensemble, et que vous ne le détestiez point.

Son seul démérite a été de vivre à une époque fertile en mufles, animaux domestiques ignorés par Buffon. Sa plus grande faute a été de se laisser aimer, théâtralement. Vous l’auriez préféré, peut-être, jeune et nu comme Adonis, doré par le soleil, près de l’Hymette, au pied de quelque laurier-rose : Il n’est pas permis de s’habiller si peu sur le boulevard des Italiens…

D’ailleurs notre héros-gamin a dit zut et puis s’en va. Pâle figure d’halluciné, il repose maintenant au pays des rêves, au milieu des chimères dont sa vie fut empreinte. Si jamais vous avez du temps à perdre, évoquez-le parmi ces pages. Cela vous changera des reconstitutions en robe grecque, des romans sur Toto et des potins sur Antinoé.

Puis, quand le jour sera venu, et qu’à moitié mort vous aurez fini le dernier chapitre, murmurez, la voix éteinte, mais avec le charme des anciens interrogatoires : « Il a vécu, il a souri… »

L’écho vous répondra : « Il t’a plaqué ! »

J. A. F.