Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/133

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Puis, le lunch, vers deux heures — car il fallait patienter jusqu’à la fin des félicitations. Et c’était, par une idée de Muriel, un déjeuner servi dans des barques de pêche ancrées au creux plein d’ombre de la Punta Ventosa. L’eau immobile leur renvoyait leur image, ainsi que la fontaine où mourut Narcisse, leur image — à travers des émeraudes — comme au temps de Néron. Le déjeuner terminé, le cortège des barques glissait doucement et faisait le tour de l’île escorté par la musique grêle et onglée des mandolines. Ils échangeaient leur premier baiser, furtif, sur le front, dans la grotte merveilleuse, tapissée entre ses stalactites de nacre par des capillaires ciselées qui avaient tremblé à leur passage. Puis, le retour au pays, les fusées dont on les saluait, la route jonchée de genêts, les portantines couvertes de fleurs, le dîner prolongé jusqu’à minuit dans un petit bouge d’Anacapri embaumant la treille et les fougères ; les toasts portés, les santés bues, à la vieille mode…

— Oh ! dear, vous m’avez fait such a fright… une telle peur ! larmoyait Muriel avec l’air de « l’orpheline-à-qui-on-a-cassé-sa-poupée… » Je savais plus bien… Un homme dans un chambre et le chambre pas à moi ! Dearest… mon petit amou-