Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/200

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à toute une assemblée de sphinxs avec son visage placide de pierre noire.

— Tout à l’heure, nous avons connu l’image de la force et l’image du mystère. Chacune pouvait contenir en elle du plaisir et de la volupté. Voici maintenant la création, la fécondité, la reproduction, en un mot la morne fonction maternelle. Épiez cette face sans souffle et sans pensée, dont la régularité a la sécheresse d’un officiel chef-d’œuvre. Contemplez ces mille bras qui n’ont pas l’abandon prometteur des empreintes bouddhiques.

Fixez ces mamelles qui surgissent entre des hiéroglyphes, aussi nombreuses que les grains d’une grappe mûre, ces mamelles obsédantes, pendantes et désorbitées. Ne dirait-on pas des limaces sortant d’un nid monstrueux, d’une carapace de terre, et s’apprêtant à ronger l’univers de leur bave ? Et ce ventre comprimé, dans lequel, sûrement, d’obscurs limons s’agitent. Et ces pieds égyptiens, ces pieds de fellah, longs et plats, semblables à des poissons sans vertèbres ? Pourtant, l’Isis est un emblème sacré. Elle représente même ce devant quoi l’univers se découvre ; car l’univers est pareil à ce marchand de porcs dont parle Hafiz, le poète persan, à ce marchand qui bénissait les dieux pour chaque portée de ses truies…