Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/219

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qu’admirer. Dans cette immense conque de pierre et d’ombre, où la lumière fragile de l’hiver avivait les nuances neutres de la poussière des âges et de la terre antique, les deux gradins circulaires, séparés par des marches conduisant au trou morne occupé jadis par l’autel, semblaient attendre la résurrection des néophytes et des vestales, chargés d’entretenir la flamme sacrée. Par l’ouverture béante du rocher, à travers le lierre et les myrtes, on apercevait, là-bas, baignant les côtes de Salerne, la mer luisante.

Un souvenir tragique arrêtait les deux jeunes hommes. C’était là que Tibère, pour la seule fois, avait pleuré. Et Maleine évoquait la vieillesse de l’empereur traqué par les complots, harassé de maladies et de cauchemars, terrorisé par l’idée de mourir, interrogeant les devins pour savoir comment détourner la colère des Dieux, l’ire sanglante du soleil.

Si tu as jamais aimé un être dans ta vie, disait l’oracle, sacrifie-le.

Justement, à cette époque, par sénilité ou par vice, César faisait élever au palais un petit esclave tyriote recueilli d’un naufrage sur la côte. L’enfant avait obtenu sa grâce, puis des faveurs, par sa confiante douceur et par son étrange beauté. Pen-