Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/220

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dant quelques jours une lutte terrible dévastait la conscience pourtant si vile du dominateur. Et puis, toujours, la peur d’être assassiné décidait le vieillard. Il ordonnait enfin, en se cachant la tête sous la pourpre impériale. Le lendemain, la villa dédiée à Jupiter était réveillée avant l’aurore par la clameur stridente des grandes trompettes droites. Sans réunir les centurions que l’on craignait, on appelait les gladiateurs, les archers Gaulois et les Grecs. On préparait solennellement l’enfant. On le parait d’une tunique blanche, vaporeuse comme de la fumée ; on lui ceignait les chevilles et les poignets de perles et son front pur s’adornait de roses et de violettes. Puis, le cortège, en serpentant, descendait vers la grotte miraculeuse, y arrivait, alors que le sanctuaire, sauf à quelques jets rouges des torches, était encore baigné par la nuit.

De nouveau les trompettes cinglaient l’air de deux notes. Tibère descendait de sa litière d’ébène, caressait l’enfant de sa main glacée, et les prêtres ayant entonné les hymnes se prosternaient, en prière. Peu à peu l’Orient se colorait d’un gris translucide, très pâle. Derrière la cime des hautes montagnes, les nuages se veloutaient d’une lumière masquée. Les dernières torches n’éclairaient plus. Un petit jour terne et triste accusait le profil ravagé du