Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/230

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l’an dernier à Rome, quels purs instants à la Villa Médicis ! Rien que d’y penser, une odeur de verveine et d’héliotrope semblait flotter dans l’air… L’an dernier… Gérard vivait libre, inconscient du malheur proche, tout à la joie immense de la terre italienne… Un an avait suffi pour tout ruiner. Allons donc… n’était-il pas libre encore… ? Oui, mais… Enfin ! le principal était de s’étourdir, de s’oublier, de ne pas rester seul… de travailler. Il expédia son dîner, pauvre repas qui n’avait rien de commun avec un dîner de fête, puis mit son manteau, prit une canne, ses clefs et sortit.

Dehors, dans la nuit scintillante et froide, les cloches des églises sonnaient toujours. En haut de la colline, entre les montagnes du San Michele et du Solaro, on entendait les sampognari souffler dans leurs pipeaux la neuvaine de la Vierge. Sur la route que Gérard suivait machinalement, et qui mène de la Grande Marine au village, des couples le croisèrent, portant de petites lanternes pour éclairer le chemin comme au temps naïf du moyen âge. Il hâta le pas, sauvage maintenant, désireux d’éviter les saluts ou les silences… Il erra ainsi sur la Piazza remplie de monde, longea les ruelles du Castiglione, rêveur, les yeux baissés.

Soudain, Gérard releva la tête. Il se trouvait sur