pour aimer. Ce sont les âmes maladives et fines. Jacques était de celles-là.
Un soir de son enfance, sa mère l’avait vu essuyer furtivement des larmes. Et comme elle en lui demandait la cause, Jacques avait répondu les deux poings entrés dans les yeux, à la manière des anges quand ils ont peur, la poitrine gonflée de sanglots : Je pleure à cause de mon petit frère, que j’aurais bien aimé. Renold était mort à deux ans, Jacques en ayant trois. Et sa mère lui disait : Mais tu ne l’as pas connu, tu étais trop jeune pour le connaître. À quoi l’enfant répondait : Je l’aime depuis que je ne l’ai plus.
Ainsi d’une minute à l’autre, malgré le désir enchanté, malgré la légende prometteuse, les châteaux d’or s’étaient écroulés. Il restait les ruines, juste assez désolées pour mieux faire ressortir le triomphe d’alentour. Misère. Et c’est la vie à vingt ans. À vingt ans, c’est-à-dire à l’âge où l’en ne doute de rien et où l’on croit en