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VENISE

J’ai trop faim pour penser à cela. Donne-moi une femme… et encore… mourir ? Loufoque, va !

— Qu’y faire ? Je suis toujours porté à rêver de ces choses le soir. Vois-tu quand je te parlais de ma nature comme ayant des ressemblances avec celle des latins de race pure, je ne te disais pas la douleur profonde que j’éprouve aux approches de la nuit. Tu as aimé, n’est-ce pas ? Eh bien, quand on aime on vit davantage par les yeux et par les lèvres. Quand l’aimée détourne de vous ses regards c’est un peu de soleil qui vous manque. Moi, quand le soleil agonise, c’est de l’amour qui s’en va.

Au contraire, dans la journée, soit par les aurores légères et roses, soit par les après-midi orgueilleuses, après-midi dont la lumière est un faste, scintille comme une gemme sur la peau d’un Dieu, mon cœur illuminé s’entrouvre, pareil aux fruits qui tout à l’heure passaient à côté de nous en chargeant jusqu’au bord la barque trop