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LÉVRES CLOSES

À ces mots, Jacques qui agenouillé au chevet de la jeune fille, la regardait inlassablement sentit les sanglots l’étouffer…on regarde ceux qui vont mourir comme pour enfouir leur image ainsi qu’un trésor.

— Non, tais-toi, Ninette !

— C’est pour ma tombe d’abord, continua-t-elle. Je désir qu’elle soit élevée à Saint-François du Désert, près de l’endroit où nous nous sommes arrêtés, la main dans la main. Tu diras à grand-père mon horreur de la terre. J’ai peur de la terre. La terre doit peser sur les morts comme un souvenir misérable. Je voudrais un cercueil en marbre gris avec des colonnettes rosés, et par les beaux jours d’été, des coquelicots près de la pierre tels que des gouttes de sang ressuscité… C’est pour toi, Jacques, la seconde prière… Quand je serai partie et que tu auras pleuré… peut être, oublie-moi, comme on oublie le vent qui passe, la fleur qui s’ouvre, l’oiseau qui vole. Oublie-moi ! oublie-moi ! Sois heureux encore. Moi, je prierai