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NOTRE-DAME DES MERS MORTES

tes triomphes et tes conquêtes, et les trophées sanglants qu’appartenaient dans tes murs les galères, les victoires lointaines. Le lion de Saint-Marc fait place aux colombes, Ignore aussi, ignore ton passé joyeux, les danses, les saltarelles et les refrains des sérénades. Laisse s’éteidre les derniers accords du bal, les jolies voix qui rient, les discours galants. Je sais que c’est gracieux un masque au-dessus de lèvres rosés, un geste en dentelles, un sourire en extase. Je sais qu’il subsiste — mêlé aux anciennes gavottes — un nuage léger de poudre et de paillettes. Abandonne les évocations discrètes, les pastels de Longhi, ce neveu de Watteau, les madrigaux de Goldoni, ce rival de Sedaine. Ce soir sur les canaux bleus d’oubli passe une vision, une vision si pure, si blanche qu’elle fait songer aux lents bateaux de fleurs dont, au mois d’avril, le parfum plane du Lido jusqu’à toi. Une vision si frêle qu’elle semble gondole et cercueil, un fuseau de vierge, je ne sais