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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

yeux mélancoliques, étranges dans sa face noire, pais il se tourna vers Ibrahim, l’eunuque, et l’engagea poliment à tremper son pain dans la terrine.

— Hé toi-même !… répéta Goha sur un ton de défi.

Mais Khalil ne s’impatienta pas.

— Va-t’en, dit-il après une longue pause et il esquissa le geste de chasser une mouche. Va-t’en… Il n’y a personne pour toi dans cette maison…

Attiré par le bruit, El-Zaki était sorti dans la cour. Il prit Goha dans ses bras et le conduisit au Salamlek où se trouvait déjà Waddah-Alyçum.

— Le fils de Hadj-Mahmoud-Riazy veut bien nous honorer de sa présence, dit-il en entrant.

Goha qui avait reconnu en Waddah-Alyçum son compagnon d’une nuit oublia les avertissements de son père. Il se précipita vers le jeune homme et lui baisa les épaules. Alyçum lui rendit ses témoignages d’amitié avec, cependant, une certaine retenue, parce qu’il avait hâte de reprendre la conversation interrompue.

— Vous me parliez, mon maître, de Satih qui prédit la mission du Prophète et vous me disiez que son corps se pliait comme un drap.

— C’est exact. Et j’ajoute que les magiciens ont souvent obtenu des résultats similaires sur des hommes comme Goha, toi et moi.

— Je ne puis concevoir que mon corps se ramollisse au point de se plier comme un drap, dit Alyçum.

— En tout cas, mon chéri, ce serait dommage, riposta le cheik finement.