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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

rence éteignait avec intention le fourneau de son chibouk. Derrière elles, les esclaves se serraient les unes contre les autres. Un peu à l’écart se tenait la vieille Mirmah dont les paupières et les lèvres sillonnées de rides tremblotaient.

Ce fut Goha qui émergea le premier. Parvenu sur le palier, il s’arrêta et se retournant vers Cheik-el-Zaki et Waddah-Alyçum leur fit un large salut.

En voyant le fin profil d’Alyçum, Nour-el-Eïn fut saisie d’une colère brusque. Une bouffée de sang lui colora les joues et violemment elle pinça la jambe nerveuse d’Amina, son esclave favorite, qui se tenait debout à ses côtés. Au cri de douleur que poussa la jeune Syrienne, il y eut un désarroi parmi les femmes. Le cheik fixa un regard sévère sur la cloison de bois, mais le sentiment de la bienséance eut raison de son irritation. Il se dirigea rapidement vers la bibliothèque, suivi de ses invités, souleva la lourde tenture et disparut.

— Ma petite maîtresse, tu as vu comme le cheik s’est fâché ! balbutia Amina.

La cuisinière, qui, depuis vingt ans, appartenait à Mabrouka, la prit à partie :

— Toi, tu mérites qu’Ibrahim te fouette ! s’écria-t-elle.

— Et toi, qu’il te pende ! répliqua Mirmah intervenant en faveur de la jeune Syrienne.

Elle haïssait cette négresse qui, afin de plaire à Mabrouka, ne cessait de maltraiter les esclaves de Nour-el-Eïn.

— Toi, je te conseille de te taire ! s’exclama la cuisinière.